Bon baisers des limbes

J’essayai de me lever, mais là, je n’y arrivais pas, je m’étais sans doute fait une, voire plusieurs, fracture. J’avais mal à en hurler, et je n’osais pas regarder l’état de ma jambe. Je regrettai de ne plus avoir de medigel, mais je l’avais utilisé pour la bonne cause.
Les autres avaient l’air d’aller bien. Je voyais mon docteur se redresser, et courir vers les cuves de stase, bien que précédé par Mary, qui, pour une fois, ne se souciait pas des bonnes manières, et ouvrit une des cuves de stase. Je la regardai retrouver son amie, après un millénaire, après qu’elle eut perdu tout espoir de la retrouver. Son émoi me touchait vraiment profondément.
Je réussis à me redresser, et à m’assoir, non sans une grande souffrance. Et je devais vraiment être pâle, aussi, j’essayai de ménager mes forces. De toutes façons, vu l’angle et la couleur qu’avait pris ma jambe, je me doutais qu’il me serait impossible de me lever et de marcher.

R : Pfffffff, il va encore falloir que je taxe de l’énergie régénératrice, en attendant le caisson. Je suis un vrai boulet.

Je n’eus pas trop le temps de m’apitoyer sur mon sort que je sentis une chaleur m’envahir. Et je vis la fracture se soigner en quelques secondes. Je me tournai, et vis Ascrop.

A : Je te dois bien ça, après tout les risques que tu as pris pour nous.

Puis, il se précipita vers les autres. Le docteur ouvrit un autre caisson, et je le vis aider à sortir une dame. Puis, celle-ci se précipita vers Mary, et l’enlaça. De là où j’étais, je ne parvenais pas à entendre les paroles, et je ne savais pas du tout ce qu’il se passait.
Puis, Jenny sortit une autre personne, de son côté, tandis que je me relevais.
Et le docteur s’approcha de moi, et s’assit par terre, et il me parla du pendentif de Serenity, mais, comment j’aurais pu remarquer, je ne m’étais pas encore approchée d’elle. Sacré docteur !
Finalement, nous étions venus pour sauver une personne, et nous en ramenions quatre, le contrat était plus que rempli.

R : Je pense qu’avec ce qu’il s’est passé, et les raisons qui les ont envoyés là, je serais très étonnée que l’un d’entre eux aurait souhaité revenir sur Gallifrey, de toute façon. En revanche, ce qui m’inquiète, c’est que le jour où il sera connu que des seigneurs du temps ont survécu, j’ai peur qu’ils ne deviennent des cibles. Qu’en penses tu ? Leur trouver une planète tellement éloignée que personne n’y aie entendu parler, même de la guerre du temps ? Ou les cacher dans l’univers de Pete et maman ? A moins que Wrex ne les accueille. De toutes façons, ce ne sera pas à moi d’en prendre la décision.

Je m’assis à ses côtés, et passai mon bras autour de sa taille. Un peu de repos. Puis, il me demanda comment j’allais.

R : Et bien, je ne regrette pas d’être venue, ça en valait la peine. Et je me sens bien, libérée d’un poids. Et j’espère que bientôt, ton frère se sentira apaisé, lui aussi.

Au fond, je l’avais fait pour elle, un peu pour moi aussi, et Epsilon, carrément pas. Mais si ça pouvait soulager l’Univers, et mon docteur de sa rage incontrôlable, qu’est ce que ça serait. Et je me pris d’un léger fou rire.

R : Lui qui te prenait pour un faiblard, quand il verra que tu as défié les limbes, et que tu en es revenu victorieux, ça devrait lui couper le sifflet.

Mais je n’avais pas forcément envie de parler de lui. Et je ne savais pas comment le sujet devait être abordé auprès de Sérénity, non plus. Je laisserai cette tâche aux autres. Je ne me sentais pas assez diplomate, et puis, c’était une affaire de leur famille, euh, j’en faisais partie, maintenant.

Je regardai mon docteur.

R : une plage déserte, pourquoi pas, si elle est garantie sans fourmis, mais, avant je ferais bien un petit détour par la douche, et surtout par le caisson de régénération. Même si Ascrop m’a donné un peu d’énergie pour soigner le plus gros de mes blessures, j’ai encore les traces de cette chute.

Je regardais Mary et son amie, et j’étais tellement touchée que j’en perdis mes mots !

Le docteur voulu me donner de son énergie. Je n’aurais pas voulu, car ce que m’avait déjà donné Ascrop aurait suffi à me permettre de tenir jusqu’à ce qu’on soit dans le Tardis. Et après, le caisson aurait fait le reste. Mais, il ne me laissa pas le choix, je tentai quand même de protester, mais c’était plus pour la forme.

R : Mais ne t’inquiète pas, ça va aller, Ascrop m’a déjà soigné le plus gros des dégâts.

Puis Mary nous ramena deux des filles avec elle, celle que je soupçonnais d’être Sérénity, et une dame que Mary nous présenta comme sa grand-mère. Puis celle-ci fit une remarque sur la désinvolture du docteur, qui, le pauvre, n’en menait pas large. Je me demandais quand même quel âge ça pouvait faire pour l’arrière-grand-mère de mon docteur.

Puis, finalement, Mary partit sur une longue série de compliments sur mon docteur, et sur moi-même, heureusement que j’étais bien assise, parce que j’en eus les jambes coupées. Je la regardai avec étonnement, puis, pour cacher mon émoi, je me présentai plus formellement auprès des nouvelles venues.
Nous avions donc Sérénity, qui me paraissait toujours en état de choc, Granma, donc, la grand-mère de Mary, Layla, une dame du temps qui, alors qu’elle devait avoir l’âge de Jenny, s’était faite attraper, et jeter là-dedans, pour avoir joué trop près de la tour noire de Rassilon, et qui était celle qui était arrivée la dernière dans les limbes en plus d’Ascrop, ça faisait une belle équipe que nous avions récupérée.

Puis, Jenny, justement, proposa de quitter les lieux, et, ça n’allait pas être de refus. Je connaissais un petit Tardis qui devait s’inquiéter un peu, lui aussi. Et les autres, après tout ce temps passé là-dedans, devaient, eux aussi, être impatients de sortir de là.

Je me levai, tranquillement, et regardai Mary, ça allait être son heure de gloire, son moment de devenir, pour ce petit monde, l’héroïne qui les avait tirés de cet enfer. Et, j’espérais qu’elle savoure bien ce moment.
Puis, je fis un petit tour de la zone, repérant les deux cuves qui restaient. Un individu, pour qui, malheureusement, la route s’était finie, après une défaillance de la cuve de stase, et un autre caisson, pour lequel il était impossible de voir ce qui se trouvait à l’intérieur. Je me dis que si le docteur n’avait pas tenté de l’ouvrir, c’était sans aucun doute qu’il s’agissait d’une créature extrêmement à craindre. Peut-être un de ces êtres qui venaient d’avant le temps, je me souvins en frissonnant de notre rencontre avec le Diable, la bête, cette créature venue d’en dehors des âges, dont nous n’étions même pas venus à bout, d’ailleurs.
Autant que cette créature reste dedans, si c’était un monstre du même acabit. Malgré ça, je ne pouvais m’empêcher de penser que peut-être que c’était quelque chose qui aurait mérité d’avoir une chance. Mais, je finis par me mettre une grosse baffe mentale, et me détournai de la cuve. Le docteur avait pris sa décision, alors, qui étais-je pour m’interroger sur son choix, dicté par son expérience, et son intelligence.
Mary avait, provisoirement, lâché son amie, et était en train de s’atteler à créer un portail pour rentrer. Ça devrait être moins difficile pour elle, maintenant que la matrice était tombée, et que les protections des limbes n’existaient plus. Quel dommage que Rassilon ne soit plus là pour voir son œuvre s’effondrer, vaincue par trois seigneurs du temps qu’il méprisait, et une humaine qu’il aurait encore plus négligée.

Je m’avançai, et pris le bras de Sérénity, qui était encore faible, et je la soutins, elle me regardait avec des yeux emplis de gratitude, et je ne savais que lui dire. Ce que j’avais fait, était, pour moi, tout à fait normal, et il n’y avait pas lieu de me remercier. Et, je repensai au médaillon dont m’avait parlé mon docteur, et je regardai, discrètement, celui que Jenny avait autour du cou. En effet, un symbole qui ressemblait beaucoup à celui que j’avais vu dans la pièce secrète du Tardis. Qu’est-ce que ça pouvait vouloir dire ? Est-ce que ce médaillon pourrait être la clé de la porte rose ?

Je regardai ensuite, Mary qui se concentrait pour créer son portail, en espérant être rapidement dans le Tardis. Je n’oubliais pas une chose que m’avait dit mon petit loup. Quelle que soient les facultés d’un illusionniste, si le Tardis ne le souhaite pas, il lui sera toujours impossible d’en représenter l’intérieur dans une illusion. Alors, une fois à bord, nous serons certains d’en avoir terminé avec les limbes.

Puis, au bout de quelques minutes, Mary finit d’ouvrir son portail, sous les yeux ébahis d’un peu tout le monde, et je vis certains se précipiter dedans. J’avançai dans sa direction, toujours en soutenant Sérénity, et nous parvînmes à entrer, parmi les derniers.
Je constatai que Mary maitrisait quand même mieux les portails que moi, le sien était plus stable, et nous ne fûmes pas secoués dans tous les sens comme à l’aller. J’avais un petit peu honte, mais je me dis qu’elle avait quand même quelques siècles d’expérience que je n’avais pas.
Puis, une fois dans le Tardis, Mary et moi pûmes emmener tranquillement la demoiselle se reposer dans une chambre, elle en avait bien besoin, laissant les autres aux bons soins du docteur et de Jenny. Puis, je quittai la chambre, laissant les deux amies ensemble, et je revins dans la salle de contrôle.

R : Heureuse de te retrouver, mon petit loup !

Tous les voyants de la console se mirent à clignoter, et une boule de disco se mis en route. Je vis un message sur le moniteur.

T : Je suis HS, je me recharge, j’ai dû brûler beaucoup d’énergie pour aider Mary à tenir le portail pour tout le monde, tu me diras tout plus tard, si ça ne te dérange pas.

Ca faisait plus de voyageurs que prévu, et je comprenais qu’un portail à travers les univers, c’était compliqué, surtout qu’elle avait aidé pour l’aller, et le retour. Autrefois, le docteur avait eu besoin de brûler l’énergie d’un soleil, juste pour quelques secondes, pour pouvoir dire au revoir.

Je pris l’escalier, et descendis dans ma chambre, j’en avais besoin de cette douche ! Mais qu'est ce que j'étais contente de nous!

Après une bonne période sous l’eau chaude, je me ressortis toute pimpante. Je me sentais tellement bien, ravie de cet épilogue qui était même meilleur que ce que j’espérais. Comme quoi, nous avions bien fait d’insister pour y aller, je n’avais qu’une déception, j’avais perdu mon joli chapeau dans l’aventure, et je n’arrivais pas à me souvenir de quand. Certainement lorsque j’avais chuté du dôme, avec les blessures que j’avais subies, puis la rencontre avec Sérénity et les autres, j’avais eu d’autres sujets en tête que de faire attention à mes affaires. Et, je n’avais pas perdu mon sonique, c’était le principal. J’en trouverai un autre de stetson, un encore plus chouette.

Puis, je sortis de ma chambre, et remontai dans le poste de pilotage, je sentis que le Tardis gagnait en énergie à très grande vitesse, et j’en déduisis que le docteur avait expédié nos invités indésirables à la place de nos amis dans les limbes. Un prêté pour un rendu, Et je me dis qu’Epsilon ne regretterait sans doute pas leur perte, vu ce qu’il recevait en échange. Je remontai dans le poste de pilotage, où j’entendis des voix, Jenny discutait avec Sérénity. Elle n’était pas restée longtemps dans sa chambre, elle, au moins, c’était qu’elle était plus en forme que nous le craignions un peu plus tôt avec Mary.

Je m’arrêtai rapidement pour offrir à Sérénity quelques vêtements de mon placard, la pauvre n’avait pas du pouvoir se changer depuis une éternité, et j’avais remarqué que nous devions être à peu près de même taille, ainsi qu’une serviette, et un nécessaire de toilette, pour les mêmes raisons. Puis je m’éloignai, remarquant sa gêne, je ne voulais pas la brusquer, Jenny allait la remettre en confiance, alors, je quittai la pièce, et les laissai papoter tranquillement. Une discussion entre jeunes dames du temps, ce n’était pas trop mon domaine, il fallait dire aussi.

Je passai devant la bibliothèque principale, où mon docteur dormait paisiblement dans un fauteuil, le périple avait dû être très éprouvant, pour lui aussi, aussi, je passai auprès de lui, et lui fis un petit baiser, assez léger, pour ne pas le réveiller, et je repartis. Quant aux autres, je ne savais pas où ils étaient, peut être partis avec Mary, dans son Tardis, comme des voleurs, sans même me dire au revoir. La prochaine fois que je la croise, la tatie, je lui rappellerai les bonnes manières.

J’éclatai de rire, toute seule, dans le couloir. Apprendre les bonnes manières à Mary Poppins, ce serait le comble de l’ironie.

Je repassai par la cuisine, et me pris un petit encas, une humaine qui n’a pas mangé depuis longtemps, c’est problématique. Et je me glissai dans les couloirs du Tardis. Sans vraiment de but. De toute façon, je n’avais pas grand-chose à faire, à part m’incruster dans une conversation qui n’était pas la mienne ou aller prendre un bouquin, chose dont je n’avais, à ce moment-là, pas tellement envie.
Au bout d’un petit moment, je sentis une présence à côté de moi, l’interface du Tardis se manifestait enfin.

R : Alors, ça y est, tu as retrouvé tes forces, ma belle ?

T : Oui, maintenant que je n’ai plus ces simulacres à maintenir, je peux me régénérer plus vite.

Je lui racontai nos aventures dans les limbes, en détail, j’avais tout mon temps pour ça. Et elle parut assez épatée.

T : Vous êtes vraiment impressionnants, tous, je m’attendais à ce que vous en reveniez ainsi, sans casse, mon voleur est tellement doué, et je suis ravie de voir que vous avez réussi, au-delà de toute espérance.

Je lui souris, et je commençai à sentir un peu de lassitude, alors, je continuai la conversation, tout en retournant vers ma chambre, et, finalement, je m’allongeai sur mon lit, en pensant que quand Sérénity irait mieux, il me faudrait l’interroger sur son médaillon, découvrir quel est le lien entre le loup et moi. Et, sur ces pensées, je m’assoupis doucement, et finis par plonger dans un profond sommeil, dénué de rêve.